A contre-courant des positions de Donald Trump, un soutien renforcé des opinions européennes et américaines à l’Ukraine

Destin Commun et l'organisation internationale More in Common, dont le think tank français fait partie, publient une enquête exclusive pour saisir l’impact des récents événements liés à la guerre en Ukraine sur les opinions européennes et américaines. L’étude, réalisée simultanément dans 5 pays (Allemagne, France, Pologne, Royaume-Uni et Etats-Unis) auprès de 7068 répondants, met en lumière un soutien à l’Ukraine stable voire renforcé et majoritaire dans tous les pays, malgré les déclarations de Donald Trump sur le désengagement américain.

“Le tournant historique que constitue le désengagement américain dans la guerre en Ukraine dessine dans l’opinion l’opportunité du renforcement d’un sentiment d’appartenance à une communauté de destin européenne.”

Laurence de Nervaux, directrice générale de Destin Commun.

Loin d’affaiblir le soutien à l’Ukraine, le retournement américain le renforce

Même sans le soutien des Etats-Unis, les Européens veulent continuer à soutenir l'Ukraine : 57% des Français y sont favorables, 54% des Allemands, et même 66% des Polonais et des Britanniques. En France, cette opinion favorable augmente avec l’âge et est très largement majoritaire depuis les sympathisants des Ecologistes jusqu’à ceux de LR.

L'esprit de défaite n’est pas à l’ordre du jour : pour 53% des Français, l’Europe, si elle le décide, a la capacité de résister à la Russie même sans les Etats-Unis.

Jusqu’où soutenir l’Ukraine ? Une nette majorité de Français (57%) considèrent qu’il faut la soutenir au moins jusqu’à ce qu’elle retrouve ses frontières d’avant l’invasion russe de 2022. Seuls 22% des Français considèrent que la France devrait cesser de soutenir l'Ukraine dès maintenant, opinion minoritaire y compris parmi les sympathisants du RN (35%).

1 Français sur 2 (52%) considère par ailleurs que “les efforts consentis par les Français et les Européens pour soutenir l’Ukraine et garantir sa sécurité sont largement inférieurs à ce que nous devrions faire”.

Le séisme géopolitique provoqué par Donald Trump semble bien renforcer le soutien des Français à l’Ukraine : si en février 2024, 34% des Français se déclaraient favorables à ce que l'Ukraine intègre l’Union européenne comme nouvel Etat membre dans les années à venir, ils sont 46% à soutenir cette adhésion en mars 2025 (et 43% des Allemands). Les Français conservent une certaine hésitation sur ce sujet puisque 23% d’entre eux restent sans opinion.

Les Européens perplexes sur leurs relations avec les Etats-Unis

Les événements récents ont fortement perturbé l’opinion des Français et des Européens envers les Etats-Unis, et renforcé leur lecture de la guerre en Ukraine. 

  • Seuls 24% des Français considèrent aujourd’hui les Etats-Unis comme un allié de la France, contre 19% qui les considèrent comme un ennemi, et le reste de la population se montre très perplexe sur ce sujet. Des différences se font jour entre les Européens : les Allemands partagent la vision des Français puisque seuls 23% d’entre eux considèrent les Etats-Unis comme un allié, tandis que 49% des Britanniques et 55% des Polonais valorisent toujours l’alliance transatlantique en qualifiant les Américains d’alliés.  
  • Par ailleurs, 59% des Français qualifieraient Donald Trump de “dictateur”. Cette opinion est partagée par 59% des Allemands, 56% des Britanniques et 47% des Polonais.

L’entretien houleux entre V. Zelensky, D. Trump et J.D. Vance à la Maison Blanche le 28 février ne laisse guère de doutes dans les opinions européennes, mais aussi américaines : 61% des Français considèrent que c’est D. Trump qui a été le plus irrespectueux, tout comme 64% des Britanniques, et 59% des Allemands. Même au sein des électeurs américains Républicains, cet évènement jette le trouble : si 47% suivent la ligne de D. Trump en considérant que V. Zelensky a été le plus irrespectueux, l’autre moitié de l’électorat Républicain est mitigée sur les responsabilités. 

“Malgré la crise d’identité que provoque chez les Européens le retournement américain esquissé par Donald Trump, ils se montrent soudés face à l’adversité, et unanimes dans la dénonciation de la Russie.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun

Consensus sur la responsabilité russe dans la guerre en Ukraine et l’autoritarisme de V. Poutine

Malgré les déclarations de D. Trump jetant le discrédit sur l’Ukraine et son Président, les Européens sont catégoriques : 

  • Pour 63% des Français, la Russie est bien responsable de la guerre en Ukraine, tout comme pour 64% des Allemands. Les Britanniques (73%) et les Polonais (82%) sont plus unanimes encore. A rebours des déclarations de D. Trump, 60% des Américains (y compris 53% des électeurs Républicains) partagent ce point de vue. 
  • Si des écarts apparaissent selon les orientations politiques au sein de chaque pays, ce sont les électeurs de l’AfD en Allemagne qui font preuve d’un relativisme majeur quant à la responsabilité de la Russie (seuls 33% la jugent responsable de la guerre), plus encore que les sympathisants de LFI (54% l’en jugent responsable) et du RN (58%) en France.
  • Dans un consensus massif, les Européens qualifient V. Poutine de “dictateur”: cette qualification est utilisée par 92% des Polonais, 84% des Britanniques, 81% des Allemands et 80% des Français. Là encore, l’opinion américaine ne se distingue pas de celle des Européens : 82% des Américains qualifieraient V. Poutine de “dictateur”, sans distinction majeure entre l’électorat démocrate (90%) et Républicain (86%).
  • A l’inverse, malgré les déclarations russes, le qualificatif de “dictateur” serait attribué à V. Zelensky par une très faible minorité de l’opinion dans chacun des pays interrogés. 

Enfin, dans la perspective d’un cessez-le-feu, seuls 23% des Français jugent probable que la Russie tienne parole vs. 71% des Français qui feraient confiance à l’Ukraine 

Une inquiétude forte sur une extension possible du conflit 

Les trois quarts des Français (76%) se disent inquiets d’une guerre en Europe dans les prochaines années, et près de 4 sur 10 déclarent que cela les inquiète “beaucoup”. 

La Russie ne s’arrêtera pas à l'Ukraine si elle venait à s’emparer d’une grande partie du territoire ukrainien : cette opinion est partagée majoritairement par les Européens. 60% des Français (et jusqu’à 73% des plus de 65 ans) jugent très probable ou probable que la Russie tente d’envahir d’autres pays européens au cours des prochaines années, opinion partagée par 68% des Britanniques et des Polonais, 53% des Allemandes, mais aussi 64% des Américains.

L’inquiétude d’un conflit étendu et le peu de confiance envers la Russie explique l’opinion plus mitigée sur l’éventualité de l’envoi de militaires à la frontière pour assurer le maintien de la paix, si un traité de paix était conclu. Les Britanniques sont les seuls à s’y déclarer majoritairement favorables (57%), tandis que le soutien se limite à 44% en France, 41% en Allemagne, et seulement 27% en Pologne. A noter que 45% des Américains se déclarent favorables à l’envoi de troupes américaines pour assurer le maintien de la paix. En France, un net écart se dessine entre les hommes (50% favorables) et les femmes (38%), traditionnellement plus pacifistes.

Construire la paix avec l’Ukraine

Les Français sont aujourd’hui pessimistes quant aux conséquences de négociations de paix qui se feraient entre D. Trump et V. Poutine : 62% considèrent qu’elles seraient mauvaises pour l’Ukraine, mais également 55% pour l’Europe et 51% pour la France.

Les Français sont attachés à ce qu’au moins l’Ukraine, mais aussi l’Europe, soient impliqués dans les négociations de paix : seuls 19% des Français considèrent que les Etats-Unis devraient entamer seuls des pourparlers de paix avec la Russie, contre 23% qui considèrent que ces pourparlers ne devraient avoir lieu que si l’Ukraine est impliquée et 38% que si l’Ukraine et l’Europe sont impliqués. Ce soutien majoritaire à l’implication de l’Ukraine à minima est partagé dans tous les pays interrogés. 

La perspective d’un leardership français en Europe

Face à l’évolution de la situation, les Français se déclarent favorables à ce que la France joue un rôle spécifique, mais expriment également une certaine perplexité autour de ces enjeux : 

  • 47% considèrent que la France, seul pays de l’UE à détenir l’arme nucléaire, devrait prendre le leadership de la montée en puissance de la défense européenne. Sur ce point, les femmes sont plus circonspectes (30% sans opinion) que les hommes (57% favorables).
  • Sur l’éventualité de la mutualisation de l’arme nucléaire française avec les autres pays de l’UE dans un cadre purement défensif, évoquée par Emmanuel Macron, l’opinion est divisée en trois tiers : 39% y sont favorables, 31% opposés, et 30% n’ont pas d’opinion. 

Cette question complexe et hautement symbolique qui constitue un nouveau défi appelle un effort de pédagogie et un débat démocratique.

Enfin, dans la tourmente à laquelle l’Europe fait face, les Français appellent de leur vœux un effort d’unité nationale : 77% d’entre eux souhaitent que les dirigeants politiques dépassent leurs querelles pour rechercher l’intérêt du pays et de l’Europe. 

                                               

Méthodologie de l’enquête : enquête réalisée du 2 au 5 mars dans 5 pays (Allemagne, France, Pologne, Royaume-Uni, Etats-Unis) auprès d’un échantillon total de 7 068 personnes, représentatives de la population de chaque pays de 18 ans et plus. En France, 1503 personnes interrogées, représentatives selon la méthode des quotas.